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28/01/2012

Si l'enfer existe...

Si l'enfer existe, il doit ressembler de très près aux cages de la prison de New Orléans.

Jamais je n'aurais pu imaginer que l'Amérique, qui s'autorisait à vouloir donner des leçons de démocratie au monde, puisse accepter que ses prisons soient de tels ghettos dignes du nazisme et de véritables porcheries où l'homme est réduit à l'état de bête par des conditions de détention abominables. Trois dans une cellule minuscule et insalubre où la vermine grouille de partout. Une seule couverture aussi pouilleuse que le matelas. Pour toute porte, une grille de barreaux donnant sur un passage. Pas de lumière, sauf celle du couloir qui indirectement nous donnait un semblant de clarté la nuit venue.

Chaque jour nous étions groupés une trentaine de détenus dans une petite pièce qui servait de réfectoire. La nourriture y était immangeable. A table, chacun s'observait avec une tension nerveuse qui démontrait que l'on vivait sur une poudrière prête à exploser. La population pénale était en grande majorité composée d'hommes de race noire, quelques portoricains et très peu de blancs. Plus de 80% des nommes étaient drogués et regardaient autour d'eux avec des yeux fous injectés de sang. On y sentait une haine palpable et un racisme constant. J'avais sympathisé avec deux Colombiens. Le fait que je parle espagnol nous avait rapprochés. Ils étaient là pour trafic de faux dollars. Les bagarres éclataient pour un rien.

Deux jours après mon arrivée, j'y assistais à une bataille terrible entre deux blancs braqueurs de banque et trois noirs. Les gardiens intervinrent matraque à la main. Les deux blancs avaient perdu leur combat et ce furent pourtant eux qui se firent passer à tabac par ces geôliers vindicatifs qui ne voulaient pas se mettre à dos la population pénale noire. On était loin du respect des droits civiques que m'avait lu pompeusement le chef Poher.

Vers 19 heures, un chariot passait dans le couloir pour nous vendre du coca cola ou des cigarettes. C'était une haie de mains tendues et de cris poussés rageusement.

Un soir, j'entendis un hurlement bestial, puis des phrases criées en anglais. Il fallut attendre dix minutes avant que des gardes interviennent. Un noir venait de se trancher la gorge avec un couteau de sa fabrication. Je vis quelques instants après, les deux gardes qui le tenaient chacun par un pied et qui traînaient le long du couloir son corps moribond. Le sang qui lui coulait de la gorge laissait une trace gluante sur le sol cimenté. Un détenu vint avec une serpillière sale effacer la trace d'un tel barbarisme. J'étais écoeuré d'assister impuissant à une telle scène.

Oui, c'était aussi cela « l'Amérique »…

 

Extrait de « Coupable d’être innocent » / Jacques Mesrine.

( Édition France-Amérique, 1979 )

 

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