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13/01/2012

Un peu de culture...

Uropygienne

 

adj. f., du grec oura, queue, et pugê, fesse. Se dit d’une glande graisseuse qui se trouve au croupion des oiseaux, et dont la sécrétion sert à graisser les plumes.

Est-il plus plaisant spectacle que celui du cygne sauvage s’escagassant le fion d’un bec fouineur sur l’étang brumeux que le soleil levant redore au clair matin ! Croyez-vous que ce fringant palmipède se titille ainsi le sphincter dans l’espoir de quelques orgasmes à plumes ? Ou bien qu’il s’ébroue la houppette pour en chasser les poux d’eau qui s’accrochent à son duvet pour en sucer la moelle du penne * ?

Eh bien non ! Si notre cygne matinal se colle si joliment le nez au cul, c’est pour y ponctionner, sur le pourtour suintant de sa glande uropygienne, la grosse graisse grasse grise dont il enduira d’un bec sûr et léger son plumage éclatant que le soleil levant redore, au clair matin également. Ainsi oint, Coincoin pourra glisser sur l’onde avec cette grâce exquise qui n’existe pour ainsi dire pas chez le tuyau de plomb, et cela à l’abri du rhum de canard, si courant pendant le froid du même nom, et sans risquer de couler. Ce qui est fort important. C’est à sa parfaite insubmersibilité que le cygne sauvage doit sa légitime arrogance. On n’imagine pas un cygne couler. Ce serait aussi grotesque qu’un pape pétant au balcon un jour de Pâques. Dieu nous épargne semblables incongruités. Merci, mon Dieu. Caeli enarrant gloriam tuam.

Pour en revenir au trou du cul, évitons la grossière erreur, courante chez les gens du peuple, qui confondent souvent l’uropygienne et la caroncule, au risque de se ridiculiser dans les soirées mondaines où, Dieu encore merci, on ne les convie guère. La caroncule, qu’on se le dise, est à l’autre bout de l’oiseau, puisqu’il s’agit de ce machin ridicule que le dindon se laisse pendre sous le cou pour essayer d’avoir l’air plus con que le paon. Lequel criaille. Alors que le dindon glougloute. Parfaitement. Le dindon glougloute. C’est la poule qui glousse. Plus précisément, elle glousse pour appeler ses petits. Quand elle échange ses idées d’ordre général avec sa camarade de poulailler, ou qu’elle est sur le point de pondre, on dit qu’elle caquette. Alors que l’oie, non. L’oie cacarde. Pas le jars. Le jars jargonne. Alexandre Vialatte ajouterait que la caille carcouille, la huppe pullule et le loup glapit. C’était un homme fort cultivé, d’une prose infiniment élégante, d’un humour plus subtil, plus tendre et plus désespéré qu’un la mineur final dans un rondo de Satie. Alors que, pour en finir avec la basse-cour, les oiseaux porteraient plutôt l’intellect au ras de la glande uropygienne. Ce n’est pas Chaval qui me contredira.

 

( * Riche en azote et en sels minéraux ).

 

Pierre Desproges : Dictionnaire superflu  à l'usage de l'élite et des bien nantis. 

 

pierre desproges